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Je suis né à Constantine, le 11 décembre 1938. C'était un dimanche, et il neigeait. Je fus reçu comme un prince, bien que ma famille n'ait pas de royaume ; je devais découvrir la chance d'être venu au monde sur cette terre bénie des dieux. En Europe, c'était la guerre. Mon père écoutait, chaque soir, les nouvelles d'un conflit où des enfants, juifs comme moi, payaient de leur sang mon droit à la vie ; très tôt, j'ai su les crimes et les méfaits de l'antisémitisme. Élevé religieusement par une famille unie, j'ai grandi entre guerre et musique, puisant - dans la mémoire des autres - mes convictions religieuses, mes aspirations pacifiques, qui me poussèrent à aimer mon prochain au lieu de le combattre. Ma première leçon de guitare me fut donnée par le "chanteur de Dieu", Raymond Leyris. Il fut mon véritable père spirituel ; il sut m'enseigner son immense savoir ; il m'a fait don des richesses de son folklore et de sa fille aînée, Suzy, mon unique amour. Pour faire plaisir à mes parents, je fis mes études supérieures à Fontainebleau ; j'allais être instituteur. C'est le destin qui me prêta secours, m'ouvrant toutes grandes les portes d'une carrière que j'étais à cent lieues d'imaginer. Le 5 octobre 1962, à la suite de l'émission « Cinq colonnes à la une », encore débutant, je devenais célèbre par le miracle de la télévision. Reconnu par mes compatriotes, l'année suivante, Paris me prenait dans ses bras. De tournées en galas, de music-halls en récitals, ma route de chansons a fait depuis le tour du monde. URSS, Angleterre, Canada, Amérique, Japon, partout le public m'accueillit avec tant de talent, que je ne cesse depuis de faire mes bagages. Mais la vie n'épargne pas plus les poètes et les chanteurs que les autres hommes : la mort de Tonton Raymond, de mon frère Jean-Claude, la santé de ma femme, les horreurs de la guerre, autant de raisons pour ne pas oublier que je ne suis que ce que Dieu veut bien que je sois, et que le message de paix qu'il a confié à mon cœur - comme la manne de l'Exode - doit être distribué. Avant que les fusils ne lui ôtent la vie, le président Anouar el-Sadate me l'avait affirmé. Enrico Macias