La figure fascinante qui se dévoile ici émerge de l'ombre tardivement :
surdouée et indocile, rationaliste par nature, Puah Rakovski secoue le
joug d'un mariage imposé. Dans un déchirement silencieux, mère à
dix-sept ans, elle n'en continue pas moins de grandir en rebelle.
Enrichie de cette première expérience, elle conquiert son indépendance
économique en se levant contre ceux qu'elle chérit, et mesure la nécessité
d'émanciper les femmes par l'éducation. Très jeune encore, en
septembre 1891, elle fonde à Varsovie la première école où des jeunes
filles juives reçoivent une formation hébraïque et laïque. Trois décennies
durant, contre vents et marées, elle dirige cette institution. C'est ce
qui colorera définitivement son sionisme épuré : combattre l'un des
héritages les plus calamiteux du sionisme, le regard condescendant des
rabbins sur les femmes.
Comment sera-t-elle conduite à émigrer pour la Palestine ? A y fonder
les embryons des premières organisations de femmes autonomes ? Le
témoignage qu'offre l'ouvrage jette un jour unique sur le bouillonnement
politique du monde juif dans la «zone de résidence», et
notamment à Bialystok et Varsovie autour de la révolution de 1905, les
raisons intimes et personnelles qui ont poussé d'abord quelques individus
(surtout des hommes), puis toute une génération de jeunes gens
et de jeunes filles, au tournant du siècle, à choisir massivement de
rompre avec la tradition de leurs pères pour créer de nouvelles traditions
hors du judaïsme et en son sein. Son courage personnel, son
intelligence et son obstination à être ce qu'elle pense devoir être nourrissent
la réflexion sur le rôle de l'individu dans l'histoire.
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