À dix ans de distance (1993 pour le premier texte, 2002 pour le second) Salah
Stétié s'interroge sur le statut de la poésie dans le monde contemporain
qui, pour l'essentiel, l'ignore ou lui tourne le dos au profit d'autres formes
littéraires plus facile d'accès et plus rassurantes. Pourtant, dit l'auteur, la
poésie est depuis toujours liée au mystère de l'homme et de son destin.
C'est elle, en effet, qui interroge l'univers au même titre que la science,
quoique autrement ; c'est elle qui porte vers nous, venus du fond des âges,
tous les dépôts du sacré ; c'est elle qui fait et refait la langue. C'est elle
surtout qui, dans sa lumière d'énigme, éclaire tous les aspects de nos
existences et réfléchit dans son miroir l'immensité du cosmos dans lequel
nous baignons - peinant, rêvant, aimant, souffrant, questionnant...
Les plus grands noms de toute littérature sont des noms de poètes. Folle,
la poésie ? Elle est la raison la plus profonde et la mieux fondée de toutes
nos merveilleuses déraisons. Est-elle, par ailleurs, l'objet et la victime d'un
interdit ? Oui, dans la mesure où la loi de la cité n'est pas la sienne et qu'elle
est depuis toujours celle qui, face au déni de la vie et du rêve, dit non.
Pourquoi ce titre l'interdit ? Parce que la formulation n'est jamais innocente
et que les mots retiennent non seulement ce qui, dans l'expérience de
chaque homme, fait partie du bonheur et du malheur d'être mais aussi parce
que le langage lui-même, et spécialement le langage poétique, en tentant de
piéger dans ses figures la splendeur de la réalité, franchit une mystérieuse
frontière et, quelque part, court le risque de faire de la beauté une idole, en
quoi la beauté devient, à son tour, l'image de la mort.
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