Aux XVIIIe et XIXe siècles, de nombreux nouveau-nés étaient abandonnés. Ils
étaient exposés, c'est-à-dire déposés anonymement, la nuit tombée, dans des lieux
publics, souvent sous le porche d'entrée d'une boutique ou d'une chapelle. A
partir de 1811, furent créés les «tours», à la porte des hospices, afin de préserver
la vie de ces petits malheureux. Ces délaissés, sans état civil, étaient alors
désignés sous le terme générique d'enfants trouvés.
C'est l'émouvante histoire de ces enfants de l'Isère que nous conte Bernard
François. Cette étude historique, totalement inédite, nous révèle le drame de
ces déshérités, placés dès leur prise en charge par l'hospice, chez des nourrices
des montagnes d'Oisans et de Belledonne, les seules qui, pour une maigre
pension, acceptaient de les recevoir malgré l'opprobre dont ils étaient chargés.
Soulignons en effet, qu'à cette époque, ces petits sans famille étaient considérés
comme les enfants du vice et du pêché. Leur origine était stigmatisée, aux regards
de tous, par le port d'un collier numéroté, remplacé ensuite par une boucle
d'oreille. Le nombre d'enfants trouvés approchant les 2.000, le préfet de l'Isère
pratiqua en 1834 une politique de déplacement de ces enfants, les exilant dans le
Vivarais, mesure qui devait avoir des conséquences particulièrement dramatiques.
L'auteur s'attache à comprendre ces abandons, leur multiplicité, analyse les
problèmes soulevés par leur prise en charge (vêtures, choix des nourrices,
nourriture, maladies, mortalité, inspection, etc.). Les atteintes à la vie de l'enfant
(infanticides, avortements) sont minutieusement étudiées, apportant de précieuses
informations sur les comportements féminins, aussi bien en milieu urbain, dans
les manufactures, qu'à la campagne. Le rôle des nourrices est aussi examiné, leur
intervention, pourtant des plus nécessaires, étant alors injustement noircie par
l'Administration qui les rend responsables de la forte mortalité des nourrissons,
les qualifiant même de «mercenaires». L'attribution des patronymes est
minutieusement étudiée, apportant des clés aux généalogistes. Cet ouvrage
historique passionnant vient donc à son heure au moment où le grand public
découvre, effaré, les «dénis de maternité», et où des États ressuscitent les
«tours» tant décriés.
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