Les déliquescences

Dans le droit-fil des faits et gestes des plus fameux
cénacles des débuts de la III^e République - Zutistes,
Hydropathes, Fumistes, Jemenfoutistes, Hirsutes, Incohérents
et autres piliers du Chat Noir et des cafés
d'artistes -, la publication en mai 1885 des Déliquescences,
poèmes décadents d'Adoré Floupette fit grand bruit. Certains
critiques furent pris au piège de cette fine parodie. Les
subtils s'esclaffèrent. Les érudits commencèrent à identifier
emprunts et références implicites ou explicites du
prétendu Floupette au nom trop ridicule pour être
honnête. La vie littéraire continua et, sans l'avoir voulu,
comme avant elles le Parnassiculet contemporain ou les
Dixains réalistes égratignant les Parnassiens, Les Déliquescences
ouvrirent des perspectives sur la poésie contemporaine
et prirent place dans l'histoire des lettres, ne
serait-ce que pour avoir donné de l'éclat au mot décadent
et incité les auteurs s'en réclamant, symbolisants ou
symbolistes, à unifier et clarifier ce qui n'était, du point
de vue de l'idéal, qu'un grouillement de mouvements
sporadiques. Les Déliquescences favorisèrent ainsi non pas
la naissance, mais la prolifération des poètes symbolistes,
à un point tel que le symbolisme finit par l'emporter
sur son avant-garde, qui n'eut plus, injuste
retour des choses, qu'à se liquéfier et disparaître... pour
nous revenir au fil à fil du temps, comme ici même, toujours
aussi jeune et efficace quand bien des monuments
bâtis sur ses fondations se sont à jamais empoussiérés.