«Aux portes de fer, corrodées par la rouille, des sépulcres
anciens, mon regard s'insinua à l'intérieur et je restai morne
devant la poussière, les vases brisés, les couronnes déchique-tées,
les déprédations du temps vengeur. Sur les dalles funéraires,
aux socles des croix, aux pourtours des cippes, aux
frontons des chapelles, je murmurai les noms éteints que la
pierre, seule, offrait aux passants. Jusqu'au soir je vaguai ainsi
dans les champs de repos, tout imbu du pénible sentiment
de la mort.»
Édouard Ganche (1880-1945), fils d'un médecin de campagne,
fut confronté dès son plus jeune âge à la souffrance d'autrui, à
la déchéance physique et à la mort. Le décès prématuré de ce
père dont il espérait suivre les traces le marqua profondément.
Il n'avait alors que 12 ans. L'indignation résignée que lui inspirait
le lot commun de l'humanité culmina sur le plan littéraire
avec Le Livre de la Mort qu'il fit paraître en 1909. Empruntant
à l'école décadente ses thèmes et son style, il s'attacha à y
brosser de façon poignante un panorama complet et accablant
des manifestations de la mort, sous ses aspects les plus
anodins comme les plus repoussants. Après des études de médecine
interrompues pour raisons de santé, Édouard Ganche
se consacra pleinement à sa seconde passion, la musique, et
devint le biographe et le musicographe de Frédéric Chopin,
acquérant dans ce domaine une réputation internationale.
Quelque temps avant d'être emporté à son tour par la mort,
Édouard Ganche révisa et compléta ce recueil dont il ambitionnait
de faire paraître une édition définitive. Celle qu'il appelait
la Triomphatrice éternelle ne lui en laissa pas le temps.
Voici enfin réédité, selon les voeux de son auteur, ce livre culte
encensé par plusieurs générations de bibliophiles.
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