«Je te montre le pays dans la désolation et dans la misère ; ce qui
ne s'est jamais fait est arrivé. On saisira les armes de la lutte, et le pays
vivra de la révolte. On se fera des flèches de cuivre, et c'est avec le
sang qu'on mendiera le pain. On rit d'un rire malade...» Telle était la
prophétie de Nefer-Rehou, l'Égyptien, en la XIIe dynastie, il y a quatre
mille ans. Ce rire malade, qui est le propre des mouvements sociaux
de dissolution, qui est caractéristique des périodes où s'effondre l'ancienne
historicité, épuisée par la pratique et la théorie de ces mouvements
- ce rire malade est aussi le nôtre, qui vient en écho de celui
que nous entendons dans notre histoire. Il accompagne ces brusques
ou souterrains délitements du rapport social qui se produisent
lorsque viennent les temps de catastrophe, de déploration, de
saccage. Dont aucune analyse des lieux et occasions de perte dans le
tissu social ne peut faire l'économie.
Que l'on veuille bien l'entendre aujourd'hui dans les trois figures
exemplaires du jansénisme convulsionnaire et du calvinisme méridional
du XVIIIe siècle, en proie à son flamboiement prophétique et
sa rétraction sectaire, et de la mystique, cette coupe de nuit ardente.
Rien ne sert par ailleurs de se terrer dans son quant-à-soi scientifique,
ses vérités, ses certitudes. Une histoire qui fuit ne peut pas ne
pas poser, au rapport de connaissance, la question de son statut.
Cette désolation du rapport social porte un défi redoutable à l'acte
du savoir et, en son coeur, à l'écriture qui le formule. Liminaire, c'est
ce défi auquel tente de répondre le «Prologue» où l'écriture, et son
sujet, sont mis à l'épreuve des champs sociaux de la dissidence.
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