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Voici enfin une histoire de la traite des Noirs, qui fait le tour complet de la question : l’armement et le départ des Négriers pour l’Afrique, l’achat des Noirs aux roitelets locaux, leur transfert et leur vente en Amérique et aux Antilles, le retour en France des Négriers chargés de marchandises. Sans Noirs pour travailler le sol des colonies tropicales d’Amérique, pas de récoltes. Les voyages triangulaires entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique, permettaient de troquer des étoffes, des armes, de la quincaillerie, du corail et de l’alcool, contre des Noirs des deux sexes, et de les échanger aux Antilles, en Louisiane, et en Guyane, contre les produits exotiques que les négociants revendaient ensuite à toutes les nations d’Europe. Les Antilles firent la prospérité du royaume de France qui, à la veille de la Révolution, était, grâce à Saint-Domingue, le plus gros producteur mondial de sucre. À Nantes, La Rochelle, Bordeaux, Le Havre, Saint-Malo, les familles huppées participèrent à la traite, et s’y enrichirent. Point d’état d’âme chez les capitaines négriers, qui se félicitaient des bons soins apportés à leur cargaison humaine pendant l’effroyable traversée. Point de remords chez les Planteurs qui, très souvent absents, confiaient leurs habitations à des procureurs et des gérants, dont l’unique préoccupation était le rendement. Les Colons réclamaient sans cesse de nouveaux esclaves et, en Afrique, de nouveaux territoires s’ouvraient à la traite. En effet — et l’auteur consacre, à cette phase du trafic, des pages passionnantes — les Africains ne se contentèrent pas d’un rôle passif : toute l’organisation était dans leurs mains, et les roitelets concluaient avec les puissances européennes des traités en bonne et due forme. Les chefs africains, et leur entourage, ne pouvaient plus se passer des marchandises europénnes. Ce commerce avec les Blancs servit aussi les visées belliqueuses de certains potentats. Il assura la richesse, et la puissance, du Dahomey et de la Confédération Ashanti. Les ventes d’armes à feu, fatalement, généralisèrent les guerres, et les rendirent plus meurtrières. En utilisant de nombreux manuscrits et ouvrages d’époque, ainsi que des études récentes — dont certaines faites par des chercheurs africains — Liliane Crété est parvenue à nous présenter l’aventure négrière sous tous ses angles, et pas seulement sous ses aspects les plus saisissants, ou les plus horribles. Elle a ainsi restitué le vrai visage de ce trafic de chair humaine, qui fut considéré comme un commerce comme les autres.