Ce sont les conservateurs qui proposent en 1848 le vote familial,
véritable stratagème électoral destiné à dépouiller le suffrage universel
de ses potentialités réformatrices. Grâce à ce nouveau mode de scrutin,
le père de famille peut déposer dans l'urne autant de bulletins de vote
qu'il a d'enfants ; le célibataire, réputé politiquement plus à gauche que
l'homme marié, ne vote qu'une fois, et la femme ne s'exprime que par
l'intermédiaire des enfants qu'elle donne à son mari !
Ce projet ne restera pas dans les limbes : il est activement défendu pour
éviter le vote des femmes. En 1923, les députés adoptent à une forte
majorité le principe du vote familial ; en 1940, il se retrouve en bonne
place dans le projet de constitution du régime de Vichy ; aujourd'hui
encore, certains membres du Front national revendiquent cet héritage.
Jean-Yves Le Naour et Catherine Valenti nous proposent une histoire
politique et sociale renouvelée du droit de vote, à l'heure où les
démocraties occidentales constatent une hausse sans cesse croissante
de l'abstention électorale. Un regard salutaire sur une idée étonnante
formulée pour vider de son sens le vote individuel.
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