Pourquoi Theodor Mommsen (1817-1903), peut-être «l'Allemand
le plus célèbre de son temps», en tout cas un des plus grands
historiens et érudits du XIXe siècle, n'a-t-il pas achevé sa fameuse
Histoire romaine (1854-1856) ? Alors qu'il devait la conduire jusqu'à
la fin de l'Empire d'Occident, voilà que cet homme - pourtant
travailleur infatigable - s'arrête au temps de César, à la chute de la
République, et renonce à écrire l'histoire de l'Empire. Recul d'un
libre-penseur devant l'inévitable rencontre avec le christianisme ?
Répulsion d'un libéral, partisan des régimes représentatifs, à l'égard
du pouvoir absolu des Césars ?
La réponse est plus simple et plus intéressante, elle est d'ordre
scientifique et méthodologique : c'est qu'entre-temps l'oeuvre
immense de Mommsen avait rendu à la fois impossible et inutile
d'écrire une histoire «événementielle» de l'Empire. On pouvait la
remplacer par l'étude détaillée des institutions, des réalités sociales
et politiques, que lui et ses élèves avaient menée à bien ailleurs.
C'est pourquoi, trente ans plus tard, Mommsen se contenta d'écrire
un Tableau des provinces de l'Empire, qui reste, tout comme les
premiers tomes de l'Histoire romaine, un chef-d'oeuvre d'exactitude
et de vie et une grande leçon de géographie historique.
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