Le sel est à l'époque le conservateur des aliments et son
exploitation (sel gemme, marais salants) est d'autant plus
profitable aux caisses du royaume qu'il est frappé d'un
impôt, la gabelle, collecté par quelques monopoleurs qui
avancent et prêtent à l'État. C'est en dépouillant des
liasses de minutes notariales relatives aux prêts de ces
puissants réseaux à l'État que Daniel Dessert, à travers
l'étude des ministères Richelieu, Mazarin et Colbert, opère
un renversement historique révolutionnaire de ce qu'on est
convenu d'appeler la monarchie absolue : l'examen du
microcosme des bailleurs de fonds de «Messieurs des
Gabelles» montre qu'il s'agit d'une minorité puissante et
fortunée qui aide la monarchie dans un cadre contractuel
et contraignant. Le système fisco-financier et, in fine, l'essor
de l'État moderne reposent sur leurs épaules.
Ce petit livre magistral remet en cause deux images
d'Épinal colportées par l'enseignement traditionnel de
l'histoire : celle qui fait de Richelieu et Colbert des serviteurs
intègres de l'État (Mazarin l'étranger présenté comme une
contre-image), celle qui confère un pouvoir sans partage à
un monarque dépendant, en fait, des «oligarques» qui
alimentent une trésorerie sans cesse mise à mal par la
guerre de Trente ans contre les Habsbourg à l'extérieur et
par l'apparat de la souveraineté à l'intérieur.
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