J'ai croisé le destin de Josepha Saint-Amand la nuit de
son agonie. Sa mémoire résistait à la mort. Depuis les
cales négrières, celle-ci s'était évertuée à faucher celle-là.
Ses forces vives avaient fait de sa chambre ultime une case,
puis d'autres, celles d'avant, celles où son père et le père de
son père, et tous les autres, avaient voulu rendre la dignité au
Nègre traité plus bas que chien traînant. Avant les cases, la
câle, infâme ! Son aïeule, princesse de Gorée, vierge, échappe
aux viols et aux coups donnés aux bêtes. Avant : la Maison des
Esclaves ! Entre, ou peut-être bien avant, au temps du Roi Soleil
et du Code noir, un jeune fermier, sans foi ni loi, s'échappe
de son village, Saint-Amand-sous-Lisignan. Usurpant son titre
de noblesse par simple rajout d'une particule au nom du
bourg en creux-de-maisons, l'individu se lance dans le commerce
d'ébènes en partance de La Rochelle. Ses affaires prospèrent
: il décide de s'installer en Guadeloupe.
Depuis, Josepha transporte la mémoire de ces femmes et de
ces hommes arrachés à leur terre natale. En Guadeloupe, ils et
elles écrivent l'histoire d'un peuple par amour de l'âme et du
corps, de la liberté, du travail bien fait et de la dignité.
Josepha Saint-Amand meurt les yeux grands ouverts le 14 juillet
1989 pour le Bicentenaire de la Révolution française. Elle
rêve au jour où l'Abolition de l'Esclavage sera commémorée en
France, en Guadeloupe, Martinique, Guyane... Ou plutôt : au
jour où les victimes de ce crime contre l'Humanité qu'est l'esclavage
humain, seront honorés !
Josepha Saint-Amand, c'est moi.
Christian Massé
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