
Les enfants ne sont pas seulement des victimes de la guerre ; certains en
sont aussi des acteurs. 300 000 garçons et filles de moins de dix-huit ans
porteraient actuellement les armes. Ce phénomène inégalé dans l'histoire
est intensifié par la démographie, l'évolution technologique des
armements et la suppression des barrières traditionnelles entre combattants
et civils.
Trop souvent et trop commodément, les enfants-soldats sont présentés
comme de simples victimes, objets d'enrôlements scandaleux. Pourtant,
tous ne sont pas enlevés, beaucoup sont volontaires. Tous ne sont pas
menacés et drogués pour combattre, certains sont motivés et s'engagent.
Leurs recruteurs ne les considèrent pas toujours comme de la chair
à canon ; la plupart comptent sur ces combattants formés, aguerris et
sans pitié. Supplétifs forcés aux yeux de l'opinion publique, les enfants-soldats
sont aussi de véritables guerriers asymétriques qui défient les
forces de sécurité classiques.
De l'Europe aux Amériques, les armées modernes peinent à appréhender
le phénomène. Même si le corps des Marines les considère comme une
«menace émergente», même si les militaires français reconnaissent qu'ils
constituent «un défi à la formation et à l'éthique», les enfants-soldats
mettent à mal les doctrines militaires des grandes nations. Faire la guerre
à des enfants reste toujours un sujet tabou et une expérience tactique
délicate.
L'immunité dont bénéficient les enfants-soldats assure, en fait, la pérennité
du phénomène. Elle contribue à leurs recrutements, non seulement
au sein d'armées nationales et de groupes de résistance armée, mais
aussi au sein des milices mafieuses, des gangs urbains et de toutes les
puissances hybrides qui règnent sur les États en déliquescence.
Le livre de Philippe Chapleau éclaire une situation scandaleuse qui, loin
d'être un épiphénomène sociétal, constitue, depuis la Seconde Guerre
mondiale, un vrai problème militaire.
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